19 août 2011

Symptôme, signe, syndrome... À priori, c’est évident !

   La bonne connaissance de la sémiologie clinique et de la pathologie médicale permettent aux médecins  d’adopter une démarche rationnelle dans leurs enquêtes cliniques et para-cliniques pour cerner avec certitude les différents aspects d’une maladie donnée : poser un diagnostic précis, établir un plan de traitement et évaluer le pronostic de cette maladie en fonction de sa nature, de sa gravité, de son stade évolutif, du terrain sur lequel elle est s’est développée et bien sûr en fonction des circonstances de déroulement des deux étapes précédentes.

   La richesse du vocabulaire relatif aux différents éléments sémiologiques d’une maladie regroupe des termes dont la signification, certes évidente pour certains, demeure un peu floue pour un grand nombre d’étudiants. Dans le souci de dissiper ce flou terminologique, nous essayerons d’expliquer la nuance de sens entre les signes et les symptômes que peut présenter un malade et de traduire ces signes en langage médical correcte en illustrant par des exemples très fréquents de notre pratique quotidienne.

   « Mr. XY se plaint de…, consulte pour… L’examen révèle … et … il semble avoir un syndrome … les examens complémentaires ont permis d’objectiver….et d’identifier…le diagnostic retenu est celui de… notre conduite à tenir est… l’état du patient est à réévaluer dans… ». Telle est la description de toute maladie bien encadrée, aussi banale soit-elle, depuis la première consultation jusqu’à la fin du traitement et aussi longtemps que durera son suivi.

   Chaque histoire commence par des « symptômes » : ce sont les manifestations subjectives d’une maladie ou d’un processus pathologique tels qu’exprimés par le patient (ça rejoint le motif de consultation). Donc à la consultation, Mr. XY se plaint de n symptômes. Lors de l’examen proprement dit, le médecin commence son enquête à la recherche de manifestations objectives de la maladie : ce sont « les signes ». Entre symptôme et signe, l’un est patent tandis que l’autre est à chercher.

   Ex : Mr. XY se plaint de toux à la consultation, la toux est un symptôme. À l’examen, l’auscultation pulmonaire révèle des râles bronchiques, les râles bronchiques sont des signes.

   Les différents signes à analyser peuvent être classés en trois catégories : les signes fonctionnels, les signes généraux et les signes physiques.

  • Les signes fonctionnels:
   Sont recueillis par l'interrogatoire du malade, leur analyse est souvent difficile car elle dépend de la personnalité du malade mais aussi des qualités d'écoute du médecin. Leur analyse soigneuse est fondamentale, elle doit toujours être le préalable de l'examen clinique du malade qu'elle permettra de guider. Ex : une limitation de l’ouverture buccale, une contracture musculaire, un blocage en bouche ouverte,...
  • Les signes généraux :
   Sont mesurés de manière précise en unités de mesure : le poids (kg), la taille (cm), la température (°C), la diurèse (L/24h), la pression artérielle (cm Hg). Ils constituent également des éléments de surveillance objectifs qui peuvent être recueillis par l'infirmier. Ex : un patient souffrant d’une infection aigüe est pyrétique. La surveillance de sa température permet de suivre l’évolution de son état (guérison, aggravation, rechute,…).
  • Les signes physiques :
   Sont découverts et appréciés de manière objective par le médecin grâce à ses organes des sens : la vue, le toucher et l'ouïe et parfois l’odorat; ils sont analysés lors des différents temps de l'examen clinique : l'inspection, la palpation, la percussion et l'auscultation; ils réclament de la part du praticien l'acquisition d'un savoir-faire précis.

   Le recueil de ces différents signes préalablement traduits en langage médical constitue l'observation médicale du malade qui va permettre au médecin d'effectuer l'étude synthétique qui consiste à rassembler les différents signes analysés pour soit énoncer un diagnostic définitif, dans ce cas le diagnostic est clinique, soit  obtenir « un syndrome » sans avoir pour autant établi un diagnostic précis. À ce moment là, les examens para-cliniques (imagerie, biologie, biopsies,…) sont qualifiés d’utiles et justifiés dans cette enquête désormais ciblée. Dans ce cas on parle de diagnostic clinique et radiologique et/ou biologique.

   Ex 1 : un syndrome néphrotique est l’ensemble de symptômes et de signes accompagnant un très grand nombre de glomérulonéphrites. Il associe une protéinurie, une hypoprotéinémie, des oedèmes et d’autres anomalies biologiques quelle qu’en soit la cause. Ce sont les examens complémentaires qui permettront d’aboutir à un diagnostic étiologique précis (diabète, amylose, lupus érythémateux aigu, intoxication médicamenteuse…). Dans le cas échéant, on parlera de glomérulonéphrite primitive.

   Ex 2 : un syndrome sec (ou syndrome de Goujerot-Sjőgren), associant une xérostomie à une xérophtalmie (objectivées par des examens appropriés) est soit isolé, soit le plus souvent consécutif à une maladie systémique (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé, sclérodermie) ou à une affection auto-immune (thyroïdite, hépatite chronique active, cirrhose biliaire primitive).

   Toutefois, il existe des cas particuliers où un symptôme ou un signe est spécifique d’une maladie : on parlera alors de « signe pathognomonique ». Cependant, la description d'un signe pathognomonique est très rare dans la littérature, ce qui fait toute la difficulté du diagnostic médical.

   Ex 1 : Le plus connu est le signe de Köplick consistant en la présence de petites taches blanchâtres sur la muqueuse buccale en regard des molaires et survenant quelques jours avant l'éruption de la rougeole.



    Ex 2 : Le signe de Babinski est pathognomonique d’une atteinte des voies pyramidales et donc de l’origine centrale d’une paralysie.


   Finalement, il est admis que la médecine est loin de tout déchiffrer malgré plus de 3000 maladies répertoriées. L’expertise clinique et le 6ème sens d’un praticien averti constituent un atout majeur face aux situations plus ou moins complexes et orienteront la prescription raisonnable des explorations para-cliniques minimisant ainsi la survenue des effets indésirables inhérents.






3 oct. 2010

Un mot sur la marsupialization des kystes de la cavité orale

 La marsupialization des kystes de la cavité orale a été décrite pour la première fois par Partsch en 1892.
"C'est une opération curative du kyste hydatique ou d'autres kystes. Le sac de la tumeur est ouvert puis vidé de son contenu puis ses berges sont suturées aux berges de l'incision externe qui sera maintenue ouverte durant la période où la cavité kystique se suppure et se referme par granulation."_ Dictionnaire médical de Steadman.

A\ PRINCIPE :
Le terme de marsupialization se réfère à la rélisation chirurgicale d'une fenêtre  dans la paroi d'une cavité kystique et l'évacuation de son contenu. Cette opération diminue la pression intra-kystique et celle exercée sur les parois de cavité osseuse d'où l'ostolyse kystique donc permet la rétraction du sac kystique la cicatrisation par néoformation osseuse.


B\ INDICATIONS :

- Cavité kystique très volumineuse;
- Proximité de structures anatomiques nobles;
- Possibilité de de créer une effraction oro-nasale ou oro-antrale par l'énucléation classique si un plan de clivage franc n'a pas été retrouvé en per-opératoire;
- Accès difficile à tout le contenu d'un kyste (para-radiculaire+++) ou impossibilité de l'énucléation totale par présence d'obstacles anatomiques incontournables;
- Faciliter l'éruption d'une dent retenue chez les patients jeunes (kystes dentigènes ou kératokystes pseudo folliculaires) en décomprimant le trajet d'éruption normale;
- En cas de lésion kystique très étendue ou chez les patients débilités la marsupialization constitue une option envisageable puisqu'elle est peu traumatisante et facile à réaliser;
- Lésion kystique très large avec risque de fracture mandibulaire en per-opératoire;

C\ CONTRE-INDICATIONS:

- Kyste épidermoide;
- Kystes récurrents;
- Kystes de petite taille (< à2cmx2cm);

D\ AVANTAGES :
- Procédure simple à réaliser, temps opératoire réduit; 
- Respecte les structures anatomiques nobles (paquets vasculo-nerveux+++);
- Traumatisme opératoire minime;
- Intéressante en cas de lésion étendue : réalisation rapide sous anesthésie locale;
- Intéressante dans le repositionnement des fragments osseux suite à une fracture pathologique d'origine kystique par le remplissage de la cavité par une bande de gaz imbibée d'antiseptique;
- Pratique pour permettre l'éruption de dents retenues sans être obligé à réouvrir l'alvéole;
- Conservatrice vis à vis l'os alvéolaire surtout;

E\ INCONVÉNIENTS:

- Le tissu pathologique peut rester insitu en cas de débridement incomplet;
ne permet pas un examen anatomo-pathologique complet de l'enveloppe kystique;
- Nécessite des soins post-opératoires réguliers durant toute la période de cicatrisation ou en attendant la faisabilité de l'énucléation complète;
- Modification de la voix du patient si une grande cavité aérée a été laissée ouverte (palais+++);
- Cacosmie, odeurs désagréables par accumulation de salive et de débris alimentaires dans la poche kystique ouverte;
- Possible nécessité d'un second temps opératoire;
- Possibilité d'invagination et formation d'un néokyste;
- Cicatrisation dure plus longtemps;

17 sept. 2010

Sagesse face aux dents de sagesse, Première partie.

Est-ce que la dent de sagesse parviendra à faire son éruption normalement sur l'arcade ? Faut-il extraire ou ne pas extraire ou ne pas extraire la dent de sagesse ? faudra-t-il intervenir au cours de l'éruption de la dent de sagesse ? quand est-ce que l'abstention est recommandée ? quels problèmes risquent d'accompagner l'éruption de la dent de sagesse ?  Si on doit intervenir à quel moment nous intervenons ? La valeur fonctionnelle de la dent de sagesse ? quelles sont les particularités de l'environnement parodontal de la dent de sagesse ? Sur quels critères le diagnostic de dysodontosie est posé ? La dent de sagesse d'un point de vue orthodontique ? ...

   Tant de questions auxquelles la réponse n'est malheureusement pas évidente malgré plus d'un demi siècle de recherches, d'essais cliniques et de lectures critiques de la littérature. Des controverses demeurent autour de la question de la dent de sagesse et il n'est pas toujours facile de prendre des décisions d'où découlent une suite d'actes irréversibles le plus souvent prévisibles.
  
   Au cours de cette série nous essayerons d'aborder quelques unes de ces question afin de ne pas tomber dans le piège des "formules prêtes à l'emploi" qui a tendance à se répandre chez les omnipraticiens sous les exigences constamment croissantes des patients. Rationaliser notre attitude tiendra compte des besoins immédiats du patient et des suites à court, moyen et long terme.

à suivre......

8 sept. 2010

Démarche diagnostique face aux ulcérations chroniques de la cavité buccale

Une ulcération est une perte de substance des tissus de recouvrement d'un organe ou d'une muqueuse atteignant au moins le derme. L'exposition du conjonctif en dessous est responsable de la coloration rougeâtre qui prédomine dans ce type de lésions. Le type de la douleur qui en résulte dépendra du processus physiopathologique mis en jeu. Les douleurs par excès de nociception et les douleurs cancéreuses prédominent :

  • Brûlures en cas d'exposition de l'ulcération à un milieu "agressif" : aliments piquants dans la cavité buccale, acidité en cas d'ulcération gastrique ou duodénale,..
  • Agression directe des récepteurs nerveux périphériques par l'agent causal de l'ulcération : traumatismes répétés, agent physique (chaleur, froid, électricité),...
  • Les douleurs cancéreuses occupent une place à part : elles peuvent à la fois présenter des composantes nociceptive (compression des récepteurs périphériques suite à un processus expansif), neurogène (d'origine centrale ou périphérique) et psychogène.
   Les ulcérations de la cavité buccale engendrent tantôt des douleurs aiguës tantôt des douleurs chroniques. Ces douleurs sont susceptibles d'irradier vers d'autres régions selon la nature de l'agent causal.


   Sur le plan clinique, il est utile de diviser les ulcérations chroniques de la cavité buccale en deux catégories, soit les ulcérations chroniques isolées et les ulcérations multiples récurrentes, en conformité avec l’évolution naturelle de ces lésions. Les ulcérations chroniques isolées (tableau I) regroupent diverses formes d’ulcères qui sont présents pendant plus de trois semaines et sont parfois associés à unemasse, ce qui les rend alors très suspects.




 Les ulcérations multiples récurrentes (tableau II), quant à elles, englobent un certain nombre de problèmes caractérisés par l’apparition de plusieurs ulcères de taille variable évoluant de façon cyclique sur une période de temps prolongée. L’exemple parfait de ce type d’ulcères est la stomatite aphteuse récurrente ou sa variante, la stomatite aphtoïde récurrente, qui peuvent être la manifestation de divers troubles généraux.

Réf : Le Médecin du Québec, volume 39, numéro 7, juillet 2004


   Devant la diversité des diagnostics à évoquer devant une ulcération chronique de la cavité buccale, il devient facile de constater que certaines ulcérations sont banales et disparaissent dès la suppression ou la correction de l'agent causal, tandis que d'autres ulcérations sont malignes et constituent un signe d'appel d'une pathologie sous-jascente relativement grave. Il devient commode d'insister sur l'importance de la qualification de ces lésions et de les inscrire dans un cadre nosologique précis qui nous permet d'établir un diagnostic précis ou à la limite prescrire des explorations justifiées et ciblées pour ne pas passer à côté d'une urgence médicale.

3 sept. 2010

Antibioprophylaxie standard des infections bucco-dentaires

La nomenclature des actes saignants justifiant une antibioprophylaxie ne cesse d'être révisée. Afin de limiter la survenue d’effets indésirables et l’émergence de plus en plus fréquente de résistances bactériennes, la prescription des antibiotiques doit être réservée aux seules situations cliniques où leur efficacité a été démontrée. Prenons l’extraction dentaire qui est de pratique courante pour la commodité de la description. C'est un acte invasif qui figure en tête de la liste des indications d’une antibioprophylaxie chez les sujets à risque infectieux.






 
   La prophylaxie standard des infections iatrogènes, requiert une seule prise d’antibiotique par voie orale une heure avant le geste.
   On s’oriente actuellement vers une prescription d’une dose de 2 g d’amoxicilline chez l’adulte, et de 50 mg.kg-1 chez l’enfant.

   En cas d’allergie aux ß-lactamines, il est recommandé de prescrire une dose de 600 mg de clindamycine chez l’adulte, et de 15 mg.kg-1 chez l’enfant. On peut également utiliser la pristinamycine à la dose de 1 g chez l’adulte, et de 25 mg.kg-1 chez l’enfant.

   Quand la prophylaxie doit être administrée par voie parentérale, il est recommandé d’utiliser, dans l’heure précédant le geste, l’amoxicilline 2 g IV chez l’adulte et 50 mg.kg-1 IV chez l’enfant (perfusion de 30 min), puis 1 g per os chez l’adulte et 25 mg.kg-1 chez l’enfant, 6 heures plus tard.

   En cas d’allergie aux ß-lactamines lorsque la prophylaxie doit être administrée par voie parentérale, un glycopeptide peut être utilisé, dans l’heure précédant le geste (vancomycine 1 g IV chez l’adulte et 20 mg.kg-1 chez l’enfant en perfusion d’au moins 60 min, ou teicoplanine 400 mg en injection IV directe uniquement chez l’adulte).

   Le traitement préventif des infections locales sera choisi en se référant au spectre antimicrobien des antibiotiques et des germes habituellement rencontrés, et à l’indication de l’association métronidazole - spiramycine (à une posologie de 4,5 M UI de spiramycine et de 750 mg de métronidazole).

    Le traitement préventif des infections générales sera choisi en se référant au spectre antimicrobien des antibiotiques et des germes habituellement rencontrés, et sera administré par voie intraveineuse.

   L’association amoxicilline - acide clavulanique est recommandée à la posologie de 2 g d’amoxicilline en préopératoire ; l’association amoxicilline – métronidazole peut être également utilisée. En cas d’allergie aux ß-lactamines, l’association clindamycine-gentamicine est recommandée.

Remarquer qu'il y a distinction entre le traitement préventif des infections locales et le traitement préventif des infections générales.

Que prescrire suite à une extraction dentaire ?

  • Antalgiques
L’objectif est d’assurer une meilleure prise en charge de la douleur postopératoire pour les patients hospitalisés ou en ambulatoire en cas de chirurgie buccale (hors chirurgie sous anesthésie générale et hors analgésie 50/50 protoxyde d’azote/oxygène). Il est recommandé de baser la prévention et le traitement de la douleur postopératoire sur une compréhension des mécanismes multifactoriels sous-jacents à son expression symptomatique. Par conséquent, cette prise en charge doit être globale et non pas exclusivement pharmacologique.
Il est recommandé de distinguer les douleurs nociceptives, immédiates, et les douleurs neuropathiques, retardées.

Le traitement pharmacologique de la douleur en chirurgie buccale doit être prescrit de manière systématique et pour une durée suffisante, en fonction des facteurs prédictifs identifiés.
  • Anti-inflammatoires
Les recommandations concernant la prescription des anti-inflammatoires en chirurgie buccale ont pour objectif de proposer une attitude cohérente de prescription, reposant sur une analyse raisonnée des données de la littérature et sur l’avis d’experts. Le choix entre AINS et glucocorticoïdes sera fonction de l’importance du traumatisme opératoire, de la prescription antalgique proposée et de l’état général du patient. On tiendra également compte des effets indésirables de ces médicaments.